La semaine dernière s'est clôturée le congrès de l'asso d'éco américaine, une gigantesque conf où les jeunes docteurs cherchent un job en présentant leur papier et en réalisant une multitude d'entretiens d'embauche. Comme les américains ont un sens du show qui me laissera toujours pantois, ils ont fait une session "humour" où Noah Smith a fait une présentation en image sur le mode "comment les gens se voient et comment le monde les perçoit" qu'il a intitulé econo-troll. La diapo sur les "top job candidate" ci-dessous avec une photo de Luke Skywalker versus Justin Bieber m'a fait marrer et le commentaire "nice hair" m'a tout de suite fait penser à quelqu'un.
Ça ne vous rappelle personne? Non, sérieux si vous bossez sur de l'éco inter je suis sûr que vous pensez à quelqu'un... Allez voici la photo parce qu'il le vaut bien (et le veux bien aussi) avec sa coupe anti-gravité à la Einstein.
Bon alors ça me semble à peine imaginable (et à lui encore plus) mais il est possible que certains de mes lecteurs ne sachent pas qui est Thomas Chaney. Sa popularité a débuté avec un excellent papier sur les équations de gravité. Les équations de gravité, c'est cette relation initialement sans fondement théorique que l'on a emprunté à la physique (oh les affreux économistes!). Depuis Newton on sait que la force de gravité entre deux objets dépend positivement de leurs masses et négativement de la distance qui les sépare. Transposé au commerce inter, on observe que les échanges entre deux nations sont effectivement massivement expliquées par le PIB des nations rapportée à la distance géographique entre les pays. Depuis Anderson (1979) de nombreux fondements micro ont été trouvés, on peut même dire que quelque soit le mode de concurrence considérée (concurrence parfaite, oligopolistique, monopolistique) on retombe toujours sur une équation de gravité. Certains débats tournent depuis sur les différences, au sens mathématique oserais-je avancer (i.e. dérivée), puisqu'il s'agit souvent de savoir comment la variation des échanges suite à une variation de la distance ou des PIB est différente d'un modèle à l'autre (fondamentalement l'intérêt est de savoir quel est le modèle qui décrit le mieux la réalité pour pouvoir ensuite faire des prédictions). C'est justement la question que se pose Chaney en focalisant sur les coûts de transport. Je vous passe les détails (partiellement traités dans plusieurs posts dont un ici qui date de 4 ans et dans ce draft qui nous sert de base pour un cours sur les équations de gravité) mais en gros le papier de Chaney (et avant lui celui de Melitz) pourquoi le commerce chute si fortement avec la distance, cela est du à l’hétérogénéité des firmes (seules les plus productives exportent sur des marchés éloignés) et aux coûts d'entrée qu'elles rencontrent sur les marchés extérieurs. La marge extensive (combien de firmes exportent) est mise en valeur alors que les modèles traditionnels (à la Krugman, 1980) n'expliquent que la marge intensive (volume exporté par des firmes identiques).
Deux nouveaux papiers élèvent le Justin Bieber au rang de Jedi.
Le premier intègre les réseaux dans un nouveau modèle d'éco inter. Les firmes recherchent leurs consommateurs en fonction du lieu où elles sont localisés et ensuite se basent sur ce réseau pour élargir leur marché. Le deuxième est encore plus élégant, en utilisant une distribution des firmes qui suit une loi de Zipf, il explique pourquoi l'élasticité du commerce par rapport à la distance est égale à un. Du grand art, à lire et à étudier.
F. Candau
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Chaney Thomas (2008) Distorted gravity: The Intensive and Extensive Margins of International Trade, American Economic Review, 98(4): 1707-1721
Chaney Thomas. The Network Structure of International Trade. NBER
Chaney Thomas. The Gravity Equation in International Trade: An Explanation. NBER
voir aussi mais sur un thème différent:
"The Collateral Channel: How Real Estate Shocks Affect Corporate Investment", American Economic Review, 2012, Lead.
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