27 janvier 2014

Le paradoxe de Solow, Le RETOUR

En 1987, Robert Solow s'inquiétait de voir les nouvelles Technologies de l'Information et de la Communication (TIC) pénétrer l'économie réelle sans pour autant impacter les gains de productivités. Tout le monde a retenu sa fameuse phrase "you can see the computer age everywhere but in the productivity statistics". Puis les Etats-Unis ont connu un age d'or, avec une très forte croissance dans les années 1990-2000 et le paradoxe semblait avoir disparu. Les études sur les répercutions de cette croissance se sont multipliées, elles ont notamment montré que les TIC intensives en travail qualifié et en capital creusaient les inégalités.
En remplaçant des travailleurs peu qualifiés et en valorisant les rémunérations des qualifiés, cette "nouvelle" croissance semble avoir déformée la distribution des revenus (la nouvelle mondialisation avec une fragmentation des firmes est aussi coupable d'après Krugman, 2008). Le graphique suivant illustre bien cet état de fait pour les U.S., on y observe une distribution des emplois avec peu de faiblement qualifiés dans les années 80, alors que les années 90-2005 se caractérisent par une forte augmentation de ces jobs.
Source: Autor (2010)
Voilà, il ne nous reste plus que la "rage contre les machines", elles permettent de produire plus mais hélas (mille fois) elles créent des inégalités. D'où l'importance de la redistribution (si l'on ne craint pas les délocalisations et/ou que le monde s'organise pour réguler les flux de capitaux). Cette thèse permet de pas renier le progrès, les TIC nous permettent de réduire les frictions spatiales, de diffuser des technologies, d'échanger (perso, elles améliorent mon bien-être). La thèse qui serait, d'un certain point de vue, "anti-TIC" serait de montrer qu'elles n'améliorent pas la croissance (back to Solow). Ah, ben ça alors, c'est LA thèse d'Acemoglu, Autor, Dorn, Hanson et Price  (2013)! D'après les auteurs les TIC ont certes amélioré la productivité, mais ce gain est du à une baisse de l'emploi qui aurait été plus forte que la baisse de production. Oui, baisse de la production (mondiale en plus)! C'est ici.

F. Candau

Remarque: Ce serait intéressant de regarder autre chose que la production pour juger les TIC, on peut très bien construire des indicateurs qui prennent à la fois en compte les inégalités, la production et les interactions sociales (voir les travaux de Marc Fleurbaey). C'est à la lueur de ces résultats que l'on pourra mieux comprendre pourquoi les ordinateurs sont partout (y compris dans une baisse de la production). Notons aussi que davantage d'Information implique un important travail de traitement des données et des investissements en capital humain (mal mesurés! rapidement obsolètes?) qui freinent sans doute la production mesurée dans le PIB. La communication a outrance, enfin, pourrait bien être, un peu comme la pub, un dilemme du prisonnier.

Références
Acemoglu, Autor, Dorn, Hanson, (2013), Return of the Solow Paradox? IT, Productivity, and Employment in U.S. Manufacturing.

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