Ce post fait suite à celui-ci. Alors que la première partie traitait de l'évaluation empirique, nous abordons ici les analyses théoriques.
L'impact des migrations dans un univers concurrentiel
Since
Marshall's time, economists have had a good understanding of the
factors that generate elastic or inelastic labor demand curves, and how
the elasticity of labor demand is affected by substitution and scale
effects. Unfortunately, much of the empirical literature on the wage
impact of immigration (particularly in the 1990s) disregarded
practically all of these insights, and instead took a data-mining
approach: running regressions or estimating difference-in-differences
models to examine if the wage evolution in labor markets most affected
by immigration differed from that observed in other markets. Few of
these studies were guided or informed by the implications of factor
demand theory. Borjas (2009)
L'immigration a un
impact sur les salaires et les profits qui dépend de l'élasticité de ces
revenus.
Dans les modèles concurrentiels où le travail est un facteur
imparfaitement substituable au capital (mais un substitut parfait à lui
même) l'immigration entraîne une baisse de la rémunération du travail et
une hausse de la rémunération du capital. De ce point de vue, les
migrations creusent les inégalités de revenu. Mais ce résultat n'est
soutenable qu'à court terme où l'offre de capital est fixe. A long terme
cette hausse des profits devrait motiver la création de nouvelles
firmes. La hausse de la demande de travail issue de ces entreprises
perdurera jusqu'à ce que les salaires initialement abaissés par la
concurrence des migrants retrouvent leur niveau précédant le choc. Sur
le long terme, les migrations n'ont ainsi aucun impact sur les salaires.
Cependant sur un tel marché concurrentiel le court terme peut durer...
aussi est-il fondamental d'analyser l'ampleur de l'impact des migrations
dans un tel cadre où le capital est fixe. Si l'on considère que la
fonction de production est de type Cobb-Douglas alors on obtient une
élasticité des salaires (noté w) par rapport aux migrants (noté L) qui
dépend uniquement de la part du capital dans le revenu (s_{K}), soit:
Il est donc à noter que plus l'économie sera capitaliste plus une
politique d'immigration ouverte aura un impact défavorable sur les
travailleurs nationaux. Dans la mesure où le capital représente entre 30
à 40% de la valeur ajoutée dans les pays développés, on obtient le
résultat suivant: une augmentation de 10% de la main d'oeuvre
déboucherait sur une baisse de salaire de l'ordre de 3 à 4%.
Cette analyse n'est cependant pas une analyse en équilibre général, elle
repose uniquement sur une analyse du marché du travail. Elle est donc
partielle car si l'on suppose que les migrants sont aussi des
consommateurs, on peut penser qu'un afflux de migrants impactera sur la
demande de produits et ainsi sur les prix. Mais l'impact des migrations sur les autres marchés est-il important?
L'impact
inflationniste des migrations sur les prix a été analysé récemment par
plusieurs études. Cortes (2008) a, en particulier, montré que cet effet
des migrations sur les prix est relativement modeste: dans les villes
américaines une hausse de 10% de l'immigration entraînerait une baisse
des prix dans les secteurs des services de l'ordre de 2%. Evidemment le
type d'immigration, la taille du pays et la nature des biens influencent
ce résultat. Saiz (2007) trouve que lorsque le stock de migrants
atteint 1% de population d'une ville alors le prix des logements
augmente de 2% dans les villes américaines. Gonzalez et Ortega (2009)
obtiennent un résultat similaire pour le marché espagnol.
L'impact sur des migrations en équilibre général semble être négligeable, voici donc "juste pour la forme" l'analyse théorique. Sur le court terme, une hausse des prix due aux migrations, en améliorant les profits locaux favorise une
hausse des salaires où du moins contrebalance l'effet dépressif des
migrations sur le marché de l'emploi. Mais que font les consommateurs face à la hausse
du prix du bien local? Si les consommateurs substituent du bien
étranger au bien local alors l'analyse précédente ne tient plus. Borjas
(2009) montre ainsi que lorsque l'élasticité de substitution des
consommateurs est plus grande que l'élasticité de substitution entre
travail et capital alors les migrations impactent négativement sur les
salaires nominaux. Il démontre de plus que si l'hypothèse de neutralité
est levée i.e. si le migrant a une préférence pour les produits de son
pays alors l'impact négatif des migrations sur les salaires est
exacerbé. D'un point de vue théorique, une augmentation de l'immigration
familiale en augmentant le nombre de consommateurs de façon plus que
proportionnelle par rapport à la force de travail limiterait l'effet
négatif sur les salaires. A l'inverse les transferts de fonds des
migrants seraient dépressifs.
Que se passerait-il si le
travail était hétérogène dans une économie à plusieurs biens? Pour
étudier l'imparfaite substituabilité entre les différentes
qualifications au sein de l'économie du pays receveur (travailleurs qualifiés et non qualifiés par exemple), il est commun
d'utiliser une fonction CES (Bowles, 1970; Card and Lemieux, 2001;
Borjas, 2003), soit:
Il
est à noter que l'hypothèse de parfaite substituabilité entre migrants
et natifs pour chaque type de qualification 1 et 2 est maintenue pour
l'instant. Dans un tel cas et sous quelques hypothèses supplémentaires
sur la fonction de production et de demande, l'impact des migrations sur
le différentiel de salaire est le suivant:
L'impact des migrations sur la distribution des salaires ne dépend donc
que de l'élasticité de substitution entre les deux types de travail (sigma) et
du différentiel de migration dans les deux secteurs représenté ici par
m₁-m₂. Ce résultat montre que l'impact des
différentes variables du modèle sur les salaires (l'ajustement du
capital par exemple) est symétrique. Les gains des uns (les qualifiés, le capital) sont strictement
compensés par les pertes des autres (les non qualifiés). Ceci dit, le
résultat précédent est toujours vérifié, mais cette fois-ci pour le salaire moyen, ce dernier
devrait baisser aux alentours de 3% suite à une augmentation de 10% des
migrations.
Considérons désormais une imparfaite
substituabilité entre les migrants et les natifs telle qu'elle a été
envisagée par Ottaviano et Peri (2007), à l'aide de la fonction CES
suivante:
où
Ni et Fi représentent respectivement le nombre de natifs et de migrants
possédant une qualification i. On obtient alors l'équation suivante:
où dMi/Mi représente l'augmentation relative des flux migratoires
et sigma l'élasticité de substitution entre natifs et migrants. La substitution entre migrants et travailleurs influence donc les
inégalités, mais les migrations ont toujours un impact négatif sur le
différentiel.
Ces résultats permettent à Borjas (2009)
d'affirmer que l'impact des migrations sur le salaire agrégé ne dépend
pas de la valeur de l'élasticité de substitution entre les
qualifications ou encore de la complémentarité entre les facteurs dans
un modèle concurrentiel.
L'impact des migrations en concurrence imparfaite
Le fait que les résultats empiriques détectent un impact négligeable
des migrations sur les salaires réels remet en question les outils
utilisés par les économistes. Ainsi Borjas (2009) conclue son tour
d'horizon des modèles concurrentiels par cette phrase:
If
one is to believe the empirical claim that immigration wage effects are
negligible even in the short run, the theoretical implications of
factor demand theory need to be dismissed and the entire apparatus
thrown by the wayside. We are then left without a framework for
understanding or predicting how immigration influences labor market
conditions in sending and receiving countries
Cette
citation exprimant l'idée que seuls des modèles concurrentiels ont été
développés dans ce domaine, est cependant erronée. Si le modèle
concurrentiel est invalidé, il nous reste à tester plus sérieusement les
modèles de concurrence imparfaite qui sont moins catégoriques
concernant l'effet des migrations. En effet la nature du marché
(oligopolistique, monopolistique ou en concurrence parfaite) dans lequel
les migrants entrent, doit sans doute influencer les rémunérations des
salariés et d'une façon plus générale les capacités d'une économie à
amortir les chocs migratoires.
Conclusion
Après avoir présenté les modèles concurrentiels et les résultats
obtenus jusqu'alors, Georges Borjas conclut sa présentation réalisée à
la Banque Mondiale par la question suivante:
So, what does all this imply about immigration policy?
Puis répond (en rouge et en taille 32):
Nothing at all !!!
Pour Borjas face aux flux migratoires importants observés, l'impact
faible sur les salaires est une énigme. Il considère que les données
sont peut être "détournées" par le modèle concurrentiel. A l'inverse on
peut penser que les études empiriques sont dans le vrai, mais là encore
le modèle concurrentiel peine à expliquer un impact quasi-nul. Dans les
deux cas, les modèles en concurrence imparfaite, développé par exemple en économie géographique, présentent un intérêt
réel, puisqu'un impact négatif, positif ou nul peut être obtenu en
fonction de la taille et du degré d'intégration des marchés.
D'un
point de vue empirique, certains résultats des modèles concurrentiels
attendent encore d'être testés. Avec Hanson (2008) on peut par exemple
regretter que les gains obtenus par les détenteurs de capitaux du fait
des migrations soient si peu analysés.
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United States, Economic Geography, vol. 73, pp. 234-53
01 novembre 2011
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Felicitations,
A l'occasion, merci de passez voir mon blog! !