02 avril 2020

Firmes hétérogènes et commerce international

La distribution de la taille des firmes est telle qu'il existe des millions de petites et de moyennes entreprises mais seulement une poignée de multinationales dont les profits et la valorisation en bourse sont équivalentes au PIB de certains pays. Les journalistes comparent ainsi régulièrement les valorisations en bourse et les PIB de différentes nations. A ce petit jeu, Apple fait arme égale avec le 16ième plus gros PIB au monde, celui de l'Indonésie, Amazone égalise la Turquie, Alphabet Inc et Microsoft Corp tutoient les Pays-Bas.

Comparaison n'est pas raison et le PIB des Etats n'a rien à voir avec la valorisation boursière des firmes mais ces chiffres permettent cependant de réaliser l'hétérogénéité extrême du système productif. En effet à côté des “champions nationaux”, l'économie des nations est constituée de millions de petites et de moyennes entreprises. Cette hétérogénéité des entreprises peut se mesurer de différentes manières, en terme de valorisation boursière, de chiffres d'affaire mais aussi en terme d'emplois. 

En 2019, la France comptait 3,1 millions de TPE et PME, soit 99,8 % du nombre total d’entreprises dont la plupart étaient des microentreprises. Ces entreprises réalisaient 36% du chiffre d'affaire total des entreprises françaises. Seulement la moitié des salariés étaient employés dans ces entreprises, ce qui représentait tout de même 7 millions d'emplois. 

Parmi ces millions d'entreprises, lesquelles sont exportatrices? Que représentent la part des exportations des grandes entreprises dans le commerce international des nations? Quelles sont les caractéristiques des firmes exportatrices? Comment les coûts à l'exportation jouent sur la distribution des firmes qui exportent?

Ces questions sont relativement récentes en économie internationale. Les modèles Ricardiens et HOS traitaient des coûts de production mais l'analyse était focalisée sur les nations. Le Portugal exportait du vin et l'Angleterre des draps, en bref le commerce international était une affaire macroéconomique. De la même façon le modèle canonique de concurrence monopolistique en économie internationale, le modèle de Krugman (1980), suppose une firme représentative de l'ensemble des firmes exportatrices; les exportations d'une nation sont donc la somme des exportations de n firmes identiques. Face à une variation des coûts aux échanges, seul le nombre de firmes peut évoluer. 

Mais dès lors que l'on prend la mesure de l'hétérogénéité des firmes, ce genre d'analyse devient insuffisante. Nous souhaiterions en effet savoir comment les PTE, les PME et les grandes entreprises réagissent sur les différents marchés internationaux face à des chocs de demande (crise de 2008, COVID-19) et d'offre (concurrence des produits asiatiques, révolution technologique). La marge intensive de ces différentes entreprises, c'est à dire l'ajustement des ventes, est en particulier fondamental pour comprendre les performances à l'export. En d'autres termes, une analyse plus microéconomique est nécessaire. 

Depuis les années 2000, cette démarche microéconomique est au cœur des recherches en économie internationale. L'un des points importants de ces travaux est de focaliser le débat sur la productivité des firmes, et notamment sur les seuils de productivité à partir desquels les firmes exportent sur un ou plusieurs marchés. Ce focal sur les productivités a donné un nouveau souffle aux recherches sur la compétitivité et notamment sur la distinction ancienne entre compétitivité prix (coûts du travail, des biens intermédiaires dont l'énergie et des services, change) et compétitivité hors-prix (variété et qualité des produits). 

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