Résumons, on approche des européennes, la zone euro est au bord de la déflation et la BCE ne fait rien. C'est sans surprise. La BCE ne dépend pas des citoyens, elle est indépendante des gouvernements et des peuples qu'ils représentent...mais alors, elle roule pour qui exactement?
Janet Yellen, dans un discours du 31 mars (retranscrit en partie ci-dessous, version complète ici), écrit que la FED ne travaille pas pour Wall-Street mais pour Main-Street. L'inverse est-il vrai pour la BCE? Non, mais l’obsession de la BCE contre une inflation fantôme peut laisser perplexe.
Dans les missions de la FED il y a deux objectifs: l'inflation ET l'emploi. A l'inverse, traumatisée par l'inflation, l'Europe a construit la BCE avec une mission unique: la stabilité des prix. L'objectif est d'atteindre un taux de 2% d'inflation sur le moyen terme. Or la BCE considère que la reprise est là et que les prix vont repartir à la hausse sur le moyen terme, donc circulez, il n'y a rien à voir, la BCE remplira sa mission ce mois-ci en ne faisant rien.
Que fera t-elle dans les prochains mois? Comment pourrait-elle intervenir?
Elle pourrait injecter des liquidités dans l'économie en rachetant des titres de dette des Etats. Elle s'y refuse car elle ne veut surtout pas faciliter l'endettement des pays Européens qui est déjà élevé. Elle pourrait aussi injecter des liquidités dans les banques, mais pas sûr que ces banques prêteraient davantage pour au moins deux raisons a) l'offre de crédit est rationné, les banques sont sans doute plus frileuses que par le passé, b) la demande de crédit est faible, face à un avenir incertain les agents ne sont pas prêt à s'endetter. Enfin, elle pourrait utiliser des politiques non conventionnelles comme celles employées par d'autres banques centrales qui permettrait de directement prêter aux entreprises et aux ménages (on parle depuis des lustres des Asset Backed Securities). Si ce type de politiques non conventionnelles peuvent permettre de résoudre le problème de l'offre de crédit, ils n'affectent en rien la demande.
En d'autres termes, si l'UE se situe dans une trappe à liquidité, alors peu importe, les agents ont peur de l'avenir, vous pourriez imprimer des billets et les mettre directement dans les poches des gens... ils y resteraient! Les banques, les investisseurs, les consommateurs sont figés dans leur comportements économiques, ils ne prêtent plus, n'investissent plus et ne consomment plus. Davantage de liquidité, ne relancerait peut-être pas l'économie....
La BCE pourrait cependant jouer davantage sur les anticipations d'inflation en affichant une vraie volonté de lutter contre la déflation/dépression à laquelle l'Europe fait face. Une telle politique de forward guidance permettrait de réduire (faiblement) le taux réel et d'aider (mollement) l'activité. C'est le genre de politique basée sur des postures qui ne rapporte pas grand chose mais qui ne coûte rien. La BCE pense sans doute avoir fait un pas dans cette direction en affirmant que ses membres étaient prêts, à l'unanimité, à valider des mesures non-conventionnelles. Mais quasiment dans la même phrase, Mario Draghi annonçait que pour l'instant il n'en était pas question. Pourtant seuls des taux d'intérêt réels négatifs pourraient contrer les tendances déflationnistes en résorbant l'excès d'épargne et en stimulant l'investissement.
Décidément, la BCE semble être dans une trappe d'inactivité, elle ne veut pas agir et même parler clairement en faveur d'une politique monétaire expansionniste lui est difficile. Est-ce un aveu d'impuissance? ou à l'inverse un excès de confiance? Je pencherais pour l'excès de confiance (et un zest d'idéologie). La BCE pense sans doute qu'il suffit de murmurer à l'oreille des marchés (avec du "whatever it takes") pour que tout baigne. D'ailleurs, certains experts sur BFM commentaient cette semaine que si l'Euro était autour des 1,38 c'était grâce à Mr Draghi, sans lui l'euro seraient à 1,50. Il y a donc des gens sur les marchés qui pensent que l'Euro aurait pu monter à 1,5 (!) et que la BCE a habilement sauvé l'Euro, voire l'Europe. Avec les taux de chômage actuels et un taux d'inflation qui s'éloigne de l'objectif, il est cependant difficile de voir le verre à moitié plein.
Les règles/objectifs de la BCE devraient être revues, si l'emploi faisait partie de ses objectifs, peut-être des décisions de QE auraient-elles été prises depuis longtemps.
En comparaison, voici le derniers discours de J. Yellen, un discours volontaire sur les politiques à mener dans le futur en contraste frappant avec la présentation hésitante de Draghi. Evidemment les situations sont différentes, aux USA la transmission à l'économie réelle fonctionne (à titre d'exemple et de caricature: les retraites sont sur le marché, alors quand le marché va mieux, on se sent plus riche et on consomme (effet richesse, fonctionne aussi en sens inverse...)), mais tout de même, dire que tout va mieux en Europe et penser que l'on peut "laisser faire" est très problématique.
The past six years have been difficult for many Americans, but the hardships faced by some have shattered lives and families. Too many people know firsthand how devastating it is to lose a job at which you had succeeded and be unable to find another; to run through your savings and even lose your home, as months and sometimes years pass trying to find work; to feel your marriage and other relationships strained and broken by financial difficulties. And yet many of those who have suffered the most find the will to keep trying. I will introduce you to three of these brave men and women, your neighbors here in the great city of Chicago. These individuals have benefited from just the kind of help from community groups that I highlighted a moment ago, and they recently shared their personal stories with me.
It might seem obvious, but the second thing that is needed to help people find jobs...is jobs. No amount of training will be enough if there are not enough jobs to fill. I have mentioned some of the things the Fed does to help communities, but the most important thing we do is to use monetary policy to promote a stronger economy. The Federal Reserve has taken extraordinary steps since the onset of the financial crisis to spur economic activity and create jobs, and I will explain why I believe those efforts are still needed.
The Fed provides this help by influencing interest rates. Although we work through financial markets, our goal is to help Main Street, not Wall Street. By keeping interest rates low, we are trying to make homes more affordable and revive the housing market. We are trying to make it cheaper for businesses to build, expand, and hire. We are trying to lower the costs of buying a car that can carry a worker to a new job and kids to school, and our policies are also spurring the revival of the auto industry. We are trying to help families afford things they need so that greater spending can drive job creation and even more spending, thereby strengthening the recovery.
When the Federal Reserve's policies are effective, they improve the welfare of everyone who benefits from a stronger economy, most of all those who have been hit hardest by the recession and the slow recovery.[...]
The recovery still feels like a recession to many Americans, and it also looks that way in some economic statistics. At 6.7 percent, the national unemployment rate is still higher than it ever got during the 2001 recession. ... It certainly feels like a recession to many younger workers, to older workers who lost long-term jobs, and to African Americans, who are facing a job market today that is nearly as tough as it was during the two downturns that preceded the Great Recession.
In some ways, the job market is tougher now than in any recession. The numbers of people who have been trying to find work for more than six months or more than a year are much higher today than they ever were since records began decades ago. We know that the long-term unemployed face big challenges. Research shows employers are less willing to hire the long-term unemployed and often prefer other job candidates with less or even no relevant experience.
[...]
And based on the evidence available, it is clear to me that the U.S. economy is still considerably short of the two goals assigned to the Federal Reserve by the Congress. The first of those goals is maximum sustainable employment, the highest level of employment that can be sustained while maintaining a stable inflation rate. Most of my colleagues on the Federal Open Market Committee and I estimate that the unemployment rate consistent with maximum sustainable employment is now between 5.2 percent and 5.6 percent, well below the 6.7 percent rate in February.
The other goal assigned by the Congress is stable prices, which means keeping inflation under control. In the past, there have been times when these two goals conflicted--fighting inflation often requires actions that slow the economy and raise the unemployment rate. But that is not a dilemma now, because inflation is well below 2 percent, the Fed's longer-term goal.
...
Pour le côté "faucon" de la dame (auquel je ne crois guère) voir ici et pour une vision plus optimiste du QE de la BCE voir là.
Enfin ce graphique (source ici) montre le bilan des deux banques.
Enfin pour conclure, c'est en peu de temps la deuxième fois que la BCE montre un entêtement problématique. En effet en 2011, anticipant une reprise et de l'inflation, elle augmente les taux deux fois d'affilés avant de reconnaître son erreur. Il aura fallu attendre 5 ans pour arriver à des taux identiques à ceux de la FED...
Edit du 14/05/14: Antonio Fatas a une analyse similaire à celle développée ici.
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