26 mai 2010

Grèce et crise européenne

Débordé par notre quotidien, nous n'avons pas réagi sur la crise qui secoue l'union européenne. Beaucoup de chose ont été écrites, aussi nous proposons ici un bref tour d'horizon.

Un pays en crise doit-il sortir de l'union monétaire?

Felstein rappelle les conditions d’une union monétaire réussie (mobilité des travailleurs, union politique et fiscale avec la possibilité d’opérer des transferts d’une région à l’autre).
 Dans une situation de dette excessive, un petit pays disposant de sa propre monnaie verrait sa devise se déprécier et devrait payer un taux d’intérêt plus élevé pour payer ses dépenses, mais au sein de l’UE ce coût n’existe plus, le pays en question est tenté de jouer le passager clandestin en réalisant des déficits excessifs.
Si certains pays dont l'Espagne ou l'Irlande n'ont pas joué ce jeu (avant la crise les budgets de ces états étaient équilibré), la Grèce a sans doute eu un comportement de passager clandestin. Pour sortir ce pays de la crise, certains auteurs se sont demandé si une sortie de l'euro ne serait pas bénéfique.

Comme le note, entre autre Bernal, quitter l’euro et revenir à une monnaie nationale auraient des conséquences économiques tragiques. Un pays qui choisirait une telle politique bénéficierait certes d’une dévaluation de sa monnaie qui lui permettrait de restaurer sa compétitivité. Cet ajustement serait plus rapide que la baisse des salaires qui est à l’oeuvre aujourd’hui en Grèce. Mais dans la mesure ou l’on voit mal un pays rembourser sa dette libellée en euro avec une monnaie dévaluée, il y a fort à parier que cette sortie de l’union s’accompagnerait d’un défaut de paiement (ou d'une restructuration de la dette). Or un défaut de paiement, engendre une méfiance des investisseurs sur une longue période. Pour enrayer la fuite des capitaux, seule une hausse des taux d’intérêt visant à payer la prime de risque est envisageable. Elle limiterait la dévaluation et donc les gains à l’export mais surtout elle plomberait l’investissement et in fine la croissance du pays. Donc économiquement parlant la sortie de l’euro semble inenvisageable, politiquement elle l’est par contre beaucoup moins, car on imagine assez aisément des partis populistes surfant sur la récession, arrivés au pouvoir avec des slogans anti-européens. Barry Eichengreen ne partage pas ce point de vue, pour lui la sortie de l’euro est justement difficilement envisageable politiquement.

L’analyse de Stiglitz est sans doute l’une des plus originales, l’auteur suit Keynes en affirmant que ce ne sont pas les déficits des balances commerciales qui posent problèmes mais les excédents. Au sein de l’union européenne c’est donc l’Allemagne qui exerce une externalité négative, sa sortie de l’union monétaire entraînerait une dévaluation de l’euro qui permettrait de restaurer la compétitivité des pays européens en déficit. L’auteur propose évidemment d’autres solutions plus consensuelles. Fidèle à ses convictions, il considère que l’austérité passant par une baisse des salaires est fantaisiste et il considère que si l’Europe ne peut réformer ses institutions et offrir une structure fiscale adéquate alors autant laisser tomber l’euro plutôt que d’imposer aux peuples une longue agonie.



A l'origine du mal



De Grauwe recommande la mise en place d’un budget centralisé qui permettrait un transfert automatique vers les pays en difficulté. Ce mécanisme de solidarité (d’assurance) permettrait de limiter les recours au marché. L’auteur remarque que, mis à part la Grèce, une grande partie des gouvernements européens ont eu des déficits limités et une croissance de la dette relativement lente en comparaison avec l’endettement privé. La crise des États, n’est que la conséquence de la crise immobilière et bancaire née en aout 2007:

“Those who say that it is government profligacy that is the source of the debt crisis are mistaken. They also fail to see the inevitable connection between private and public debt. This connection is particularly strong in countries like Spain and Ireland that have been hit badly by the debt crisis. [...] Spain and Ireland were spectacularly successful in reducing their government debt to GDP ratios prior to the financial crisis, i.e. Spain from 60% to 40% and Ireland from 43% to 23%. These were the two countries, which followed the rules of the Stability and Growth Pact better than any other country – certainly better than Germany that allowed its government debt ratio to increase before 2007. Yet the two countries, which followed the fire code regulations most scrupulously, were hit by the fire, because they failed to contain domestic private debt.”

Tyler Cowen revient sur la corruption en Grèce, il souligne que dans les classements internationaux ce pays est proche de l'Égypte ou de Éthiopie. L’économie souterraine représenterait 20% du PIB, l’évasion fiscale semble être un sport national représentant une perte de 30 milliards d’euro de recette fiscale. Cette difficulté à prélever l’impôt est inquiétante pour un remboursement rapide de la dette.


Reinhart et Reinhart nous file le blues en nous rappelant les efforts infructueux de l’Argentine qui se sont soldés par un défaut de 132 milliards d’euro en 2001 et une contraction du PIB de 15%. Les auteurs notent de plus que les pays qui ont suivi des plans d’austérité et qui s’en sont sortis (Mexique en 1995, Corée du Sud en 1998, Turquie en 2001, Brésil en 2002) avaient une dette en terme de PIB inférieure à la Grèce.

Solutions?



Laurence Boone revient sur les enjeux du plan anti-crise, ce plan permet à la BCE de racheter la dette souveraine et octroie à la commission européenne une capacité d’endettement de 110 milliards d’euros. Enfin un fond de 440 milliards permettrait de prêter à moindres coûts aux pays en difficulté.

Burda et Gerlach propose la mise en place d’un comité d’experts indépendants qui suivrait l’évolution des budgets des États membres. Le nouveau pacte de stabilité qu’il propose, est graduel et très exigent, avec une évaluation par les experts dès que le déficit dépasse 1% et une procédure d’ajustement dès les 2%.

Wyplosz revient sur les 750 milliards d’euro fournis par les États membres et le FMI (qui fournit 250 milliards), il s’inquiète notamment du risque de récession lié aux plans d’austérité qui mineraient les rentrées fiscales et alourdiraient le déficit et donc la dette.

Aglietta considère lui aussi que le plan d’austérité a une probabilité forte d’échouer, de son point de vue la crise n’est pas une crise de liquidité mais une crise de solvabilité face à laquelle la seule solution est une restructuration de la dette :

"Une erreur cardinale a été faite, que le plan de financement de 110 milliards d'euros sur trois ans alloués à la Grèce ne saurait dissiper. La même erreur que celle commise en 1982 par le club des créanciers souverains du Mexique a été répétée. On nie qu'il y ait un problème de solvabilité et on feint de croire qu'il n'y a qu'un problème transitoire de liquidité. Cette erreur à l'époque a coûté la décennie perdue à l'ensemble de l'Amérique latine. Les pays ont été épuisés par les plans d'austérité stériles imposés par le Fonds monétaire international (FMI) pour préserver les banques créancières. Ce n'est qu'à la fin de la décennie avec l'initiative Brady que les dettes ont été restructurées, que les banques ont pu se débarrasser de leurs créances avec décotes et que les économies ont pu retrouver le chemin de la croissance. […] un plan de restructuration permet de diminuer le coût d'un défaut s'il se produit. Une étude de la Banque d'Angleterre a montré qu'un pays qui fait défaut sans accord avec ses créanciers subit des pertes de production trois plus élevées qu'un pays dont la dette a été restructurée. »

Cette analyse est proche de celle avancée par Mayer et Gros qui considère « a liquidity problem postponed is a problem solved, but a solvency problem postponed is a problem made intractable ».

Si voulez en savoir plus, voir l’ouvrage de De Grauwe sur les unions monétaires (c’est un classique, facile à lire et passionnant), la revue de littérature de Betsma et Giuliodori (2009) et enfin Baldwin a réalisé une revue des posts parus sur vox-eu.

Références

Betsma et Giuliodori (2009), The Macroeconomic Costs and Benefits of the EMU and other Monetary Unions: An Overview of Recent Research, Journal of economic literature.

De Grauwe, P (2009), The Economics of Monetary Union, 8th Edition, Oxford University Press.

5 commentaires:

  1. Anonyme5/26/2010

    Un point était indispensable ! article très intéressant !

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  2. Connaissez vous la loi Giscard Pompidou et le Traité de Maastrich ?

    Alors que les bourses chutent, que l'Euro est à l agonie, que les plans d'austérités se multiplie à travers l'europe, il serait sage de connaître les vrais raisons de l'augmentation de la dette !

    Le bon sens commun voudrait que la dette soit du à trop de sociale, trop de santé, trop de services publiques, trop de fonctionnaires, trop de retraites. Nos responsables politique se font l'écho d'un tel message et mettent en œuvre des plans sensés répondre aux problèmes de la dette !

    Mais tout ceci est une arnaque : L'arnaque de la dette !

    Jusqu'au 3 janvier 1973, la Banque de France avait le droit d'émettre du crédit à très bas taux d'intérêt afin de financer les besoins de l'état et d'investir dans les projets d'avenir !

    Mais sous prétexte d'inflation, le gouvernent Giscard Pompidou a cru bon empêcher la Banque de France de faire son travail en transférant de fait le pouvoir aux banques privés. Et oui depuis cette époque la France s'endette auprès des marchés financiers avec des taux d'intérêts élevés et c'est obligatoire pour tous les pays membres depuis Maastrich et les traités suivants!

    En claire, ce sont les taux d'intérêts imposés sur la dette qui créer l'augmentation folle des dette publique !

    L'alternative

    Un retour au crédit publique productive, redonner le pouvoir au nation de battre monnaie afin de l'investir non dans les bulles spéculatives ou dans les jeux des casinos financiers mais bien dans l'économie physique au service de la population et du travail humain.

    Nous devons dire Non au chantage de l'empire de la finance de la City de Londre et de Wall Street à New York

    Si tu veux rejoindre la bataille pour changer le système économique rejoins moi sur mon groupe : http://www.facebook.com/group.php?gid=104166076293247&ref=ts

    David CABAS
    david.cabas.over-blog.fr

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  3. Comme le dit "Anonyme", un point était nécessaire.

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  4. Blog(fermaton.over-blog.com),No-16, THÉORÈME DE KONDRATIEFF -LA CRISE FINIE ?

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  5. Anonyme11/14/2013

    Certes il y a des cycles de crises et de phase de croissance.
    Mais ça se fait pas tout seul.

    Des mesures structurelles doivent être prise au seins des pays membres.
    Les Allemand ont fait des sacrifices pendant plus de 10 ans en sacrifiant leurs augmentations de salaires. On rappelle qu'il n'y a pas de SMIC non plus.

    Le but n'est pas de les copier, le but et qu'enfin un politique fasse autre chose que de la politique et s'attaque au fond du problème.
    Réformer en profondeur le fonctionnement de la France.

    http://www.challenges.fr/economie/20131113.CHA6895/5-conseils-de-l-ocde-pour-booster-la-competitivite-de-la-france.html

    Novembre 2013, 3 ans plus tard, 2 gouvernements différents même problème. Que des réformes dans le but d'améliorer la compétitivité, mais qui n'ont aucune efficacité, car toutes créées sans aucun rapport et sans aucune logique entre elles, et la fiscalité, etc.

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