Les morts spectaculaires et récentes augmentent les estimations de probabilité d’occurrence de morts similaires de façons excessives. Le biais de disponibilité permet ainsi d'expliquer plusieurs comportements économiques face au risque, comme par exemple les souscriptions à diverses assurances (excessives après des catastrophes naturelles, insuffisantes en leurs absences).
Rappelons donc une évidence rassurante, la probabilité de mourir d'un attentat terroriste reste excessivement faible. La peur est irrationnelle et la connaissance des probabilités n'a jamais rassurée les anxieux, il n'empêche que l'hystérie collective ne peut que favoriser des politiques sécuritaires que nous pourrions regretter un jour.
L'ouvrage de "Chasing Ghosts, the Policing of Terrorism" de Mueller et Steward est de ce point de vue éclairant, les auteurs détaillent les dépenses hallucinantes de l'Etat américain suite aux attaques du 11 septembre. L'ouvrage présente des situations qui ressemblent à celles que nous vivons aujourd'hui avec une montée de discours anxiogènes qui justifient toutes les dépenses. On n'en fini plus de compter les dollars et le nombre de personnes employées, 115 milliards en tout chaque année avec 12 000 agents du FBI exclusivement dévoués à la lutte anti-terroriste, 35 000 employés à la tristement célèbre NSA et 150 000 personnes pour "prévenir les attaques" au DHS.
Les auteurs évaluent les politiques antiterrorismes de différentes manières. La première consiste à évaluer le coût de la politique menée par vie sauvée. Avec un calcul de coin de table, considérant que la vie d'un américain vaut 7,5 millions de dollars, ils évaluent que la lutte antiterroriste (115 milliards) aurait due sauver 16 000 personnes. Or même si les politiques antiterroristes ont sauvé des vies, il est peu probable qu'elles en aient sauvé autant. Bien sûr, on peut considérer qu'une vie n'a pas de prix (il manque des considérations éthiques dans ces analyses), et que ce genre de calcul est amoral mais c'est pourtant un calcul qui est fait très régulièrement par les autorités publiques (e.g. dans les secteurs de la santé, des transports etc, voir le rapport Quinet qui évalue la valeur d'une vie française à 3 millions)... et puis surtout il faut se poser la question de savoir si cet argent alloué différemment ne permettrait pas de mieux lutter contre la radicalisation.
Les auteurs réalisent ensuite des analyses coûts/bénéfices qui sont aussi très discutables (le vrai pb est comment améliorer ces analyses) mais l'ouvrage a le mérite de poser des questions économiques totalement occultées ces temps-ci. Ne dépensons pas l'argent public simplement pour nous rassurer. Évitons des dépenses inutiles dans une comédie sécuritaire sans effets réels et évaluons sérieusement les politiques qui sont mises en place pour les abandonner rapidement et définitivement si elles n'ont qu'un effet placebo.
De ce point vue je signale l'appel du CNRS sur des recherches analysant le terrorisme, qui suscite quelques débats chez nos collègues des autres disciplines, mais qui ne devrait pas en poser en économie tant il semble logique, compte tenu de nos outils et objets d'études, d'évaluer quels sont les coûts d'opportunité de l'argent alloué et qu'elles sont les politiques les plus efficaces pour lutter contre le terrorisme.
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